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Des manuscrits hauts en couleurs
La bibliothèque municipale de Grenoble conserve une collection exceptionnelle de manuscrits médiévaux dont la majorité provient à l’origine du monastère de la Grande Chartreuse. Même si de nombreuses recherches ont déjà été effectuées, les progrès techniques permettent aujourd’hui de pousser beaucoup plus loin la connaissance sur cet ensemble.
Une équipe interdisciplinaire de chercheurs grenoblois, constituée de physiciens de l’Institut Néel (CNRS – Université Grenoble Alpes) et d’historiens de l’art (LUHCIE, Université Grenoble Alpes) s’est lancée en 2021 dans un projet de recherche bien particulier. Grâce à un instrument spécialement construit pour analyser des objets patrimoniaux sans faire de prélèvement de matière, en utilisant des faisceaux de rayons X, ils mènent une enquête sur une Bible manuscrite du 12e siècle.
En analysant la composition chimique des encres et des pigments des enluminures, ils espèrent lever certains mystères autour des méthodes des copistes et des décorateurs : existe-il des recettes de préparation spécifiques des pigments ou des encres pouvant attester de l’intervention de plusieurs « mains » sur un même manuscrit ? D’où viennent ces pigments et comment sont-ils arrivés en plein massif de la Chartreuse ? Est-ce le résultat d’échanges de matériaux, de savoir-faire, avec d’autres monastères, d’autres pays ? Comment expliquer pourquoi ces manuscrits ont si bien traversé les siècles ?
Les premières analyses ont déjà permis de révéler quelques résultats intrigants : la présence, dans la couleur bleue, de lapis-lazuli provenant de l’actuel Afghanistan ; dans la couleur violette, un pigment organique d’origine animale (cochenille) qui expliquerait que cette couleur se soit moins bien conservée que les autres ; des différences entre l’encre du texte et celle des lettrines qui pourraient indiquer que l’intervention des enlumineurs était distincte de celle des copistes.
Les représentants de ce projet, nommé « PATRIMALP » (IDEX Université Grenoble Alpes), étaient présents le 11 avril 2024 à la bibliothèque d’étude et du patrimoine, pour un temps de présentation de manuscrits médiévaux par les bibliothécaires, suivi d'une conférence, assurée par Victor Poline, doctorant à l’institut Néel, pour présenter les résultats et méthodes de travail de l’équipe de recherche.