Stendhal à la bibliothèque municipale
Stendhal meurt en 1842 en léguant ses manuscrits à son ami grenoblois Louis Crozet, futur maire deGrenoble (1853-1858). C’est la veuve de ce dernier, Praxède Payan, vivement encouragée par Hyacinthe Gariel, directeur de la bibliothèque municipale, qui fait don des manuscrits à la bibliothèque, en 1861.On en comptera 67 volumes et des liasses. Ce don fondateur ayant été nourri au fil du temps par des achats d’autographes et d’éditions originales, le fonds représente aujourd’hui plus des trois quarts des manuscrits de Stendhal connus au monde. Faisant partie du fonds dauphinois, constitué au milieu du XIXe siècle, le fonds Stendhal de la bibliothèque se compose de deux sous-ensembles :
- la collection des manuscrits (près de 40 000 pages de manuscrits, soit la presque totalité des manuscrits autographes connus et laissés par l’écrivain à sa mort) ;
- le fonds d’imprimés : un millier d’estampes, toutes les éditions originales dont certaines annotées de Stendhal, 7 000 volumes imprimés, des œuvres de Stendhal en langues étrangères ainsi que les études, thèses et bibliographies sur l’écrivain.
C’est parmi les manuscrits que se retrouve le Stendhal vivant, à l’oeuvre : correspondance, journaux intimes, brouillons, tentatives de théâtre, manuscrit d’Histoire de la peinture en Italie, œuvres posthumes telles que Souvenirs d’égotisme (1832), Lucien Leuwen (1834-1835), la Vie de Henry Brulard (1835-1836), Mémoires sur Napoléon (1836-1837), Lamiel (1840-1841)… Il faut aussi noter une curiosité dans ce fonds de manuscrits : les dits « recueils factices », 28 volumes composés par un vrac de feuillets réunis ultérieurement par les bibliothécaires, non pas par ordre thématique ou chronologique mais par format. Il faut noter que les manuscrits des œuvres Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme n'existent plus : il était coutumier au XIXe siècle de détruire après publication les manuscrits d'une œuvre.
Voir le fonds Stendhal dans le CCfr
Le fonds d’imprimés continue de s’enrichir, via des acquisitions onéreuses mais également des dons. L’un des plus importants provient du stendhalien Victor del Litto, qui lègue en 1995 une partie de sa bibliothèque et les archives du Stendhal Club à la ville de Grenoble. Le premier volume du Catalogue du Fonds Stendhal paraît en 1987, « les éditions originales et les ouvrages annotés », sous la direction de V. Del Litto, puis en 1995 paraît celui des « manuscrits ».
Voir le fonds Del Litto dans le CCfr
Une politique d’acquisition stendhalienne se met en place à partir des années 1920 sous l’impulsion de Louis Royer, conservateur et directeur de la bibliothèque municipale de 1919 à 1938, puis de Pierre Vaillant, directeur de la bibliothèque à partir de 1939 et ensuite par ses successeurs Paul Hamon (qui, conservateur à partir de 1978, va par exemple traiter l'acquisition d'une grande partie de la correspondance consulaire de Stendhal à Civitavecchia), puis Michel Merland et Yves Jocteur Montrozier (130 lettres de Stendhal consul à son chancelier Lysimaque Tavernier en 1982, Histoire de la succession d'Espagne en 1996)... jusqu'à aujourd'hui.
Cette politique d’acquisition concerne essentiellement des manuscrits et des ouvrages imprimés aujourd’hui conservés à la bibliothèque d’étude et du patrimoine : lettres de Stendhal à Sutton Sharpe (1920), édition originale de Le Rouge et le Noir, lettres de Stendhal à Adolphe de Mareste (1956). La politique d’acquisition est alors de « privilégier les documents inédits ou, du moins, les documents longtemps écartés du circuit commercial ».
Après 2000, les dernières acquisitions notables, gratuites ou onéreuses sont :
2005 : seconde édition de La Chartreuse de Parme (1839) ; manuscrit de Les Anglais à Rome (1824) ;
2006 : six cahiers manuscrits du Journal de Stendhal, acquis lors de la vente Pierre Bergé ;
2013 : lettre de Stendhal à son ami Félix Faure, écrite en 1812 durant la campagne de Russie ;
2016 : acquisition d’un exemplaire de l’édition originale de Promenades dans Rome (1829), présence en tête du premier volume d’un testament autographe signé établi à Naples en 1832 ;
2016 : achat d’une lettre autographe de la comtesse de Tracy à Stendhal, 1830 ;
2016 : don par Pierre Bergé d’un exemplaire des Maximes et pensées. Caractères et anecdotes de Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1795), annoté de la main de Stendhal ;
2019 : acquisition d’un manuscrit autographe de Stendhal Extrait de Vasari, De la vie d’Andrea Del Sarto, 1812-1814 (23 920 euros dont 11 960 euros de participation au titre du FRRAB État Région) ;
2022 : acquisition d’un manuscrit en partie autographe de Stendhal, Des Périls de la Langue Italienne ou Mémoire à un Ami incertain dans ses idées sur la Langue, 1818. Manuscrit en italien annoté et commenté par Silvio Pellico, écrivain et poète italien, membre des carbonari (1789-1854). Ce manuscrit d’étude complète la collection grenobloise puisque le manuscrit de la traduction est conservé à la bibliothèque municipale, ainsi que des fragments du brouillon.
2023 : acquisition de deux lettres autographes à sa sœur Pauline (château de Salzdahlum, 2 septembre 1807 ; Grenoble, 18 [janvier 1812])
Pour en savoir plus
« Stendhal », dans Mille ans d’écrits : trésors de la bibliothèque municipale de Grenoble, Yves Jocteur Montrozier (dir.), Glénat, 2000, p. 104.
Yves Jocteur Montrozier, « Le fonds Stendhal de la bibliothèque municipale de Grenoble », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1997, n° 2, p. 22-27.
La collection muséale (autrefois appelée collection iconographique), troisième volet de ce triptyque stendhalien, compte environ un millier de pièces sur Stendhal et son temps. Cette collection très diverse comprend aussi bien des peintures (portraits généalogiques et personnages du monde d’Henri Beyle), des dessins, des estampes (plans, caricatures), des sculptures (bustes), des objets d’art, des objets personnels, des documents manuscrits, des imprimés, des photographies, photographies d’œuvres d’art et cartes postales ou encore des fac-similés de documents manuscrits réalisés pour des besoins d’exposition.
La collection muséale est constituée à l’origine des documents et objets exposés dans l’exposition Stendhal de 1920 et de ceux du premier musée Stendhal en 1934. Ces collections sont sélectionnées pour être représentatives des collections conservées à la bibliothèque municipale. La collection muséale est ensuite enrichie au fur et à mesure des dons et acquisitions. La collection, qui compte un millier de pièces, a obtenu en 2003 l’appellation « musée de France ». Elle se trouve aujourd’hui en partie exposée dans l’appartement Gagnon, actuel lieu muséal du dispositif musée Stendhal. Les objets non exposés sont conservés à la bibliothèque d’étude et du patrimoine.
Voir le site du musée Stendhal
La recherche universitaire est indispensable à la vie du fonds Stendhal de la bibliothèque municipale. Le partenariat avec l’université de Grenoble est actif depuis longtemps. Gérald Rannaud, décédé en 2017, en a été un acteur majeur. Membre de l’UMR Litt&Arts et directeur du Centre d’études stendhaliennes et romantiques de l’université Stendhal, il s’est intéressé à la dimension historique de l’œuvre de Stendhal, au manuscrit de la Vie de Henry Brulard, dont il a fourni une édition diplomatique à partir du manuscrit de Grenoble, ce qui l’a conduit à élargir ses recherches sur la composition et l’écriture stendhaliennes à travers des études sur les romans inachevés, La Chartreuse et les derniers écrits de Stendhal.
En 1996, un partenariat de la ville avec l’université de Grenoble permet d’engager l’édition scientifique numérique des manuscrits stendhaliens pour comprendre l’acte de création littéraire et donner un accès aux documents, via l’équipe de recherche Traverses 19-21, composante du Centre d’études stendhaliennes et romantiques pour la partie scientifique, et le laboratoire LIDILEM (Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles) pour la partie informatique et linguistique. Ce projet utilise, entre autres outils, le traitement automatique des langues. La bibliothèque y contribue par la numérisation des manuscrits, avec le soutien du ministère de la Culture.
En 2009, tous les manuscrits de Stendhal conservés à Grenoble sont numérisés et le site Manuscrits de Stendhal est mis en ligne. Le projet de recherche « Manuscrits de Stendhal », sous la responsabilité de Catherine Mariette au sein du laboratoire Litt&Arts, est soutenu par l’Université Grenoble Alpes, la MSH-Alpes, la Région Rhône-Alpes et le consortium CAHIER. Il a bénéficié de crédits européens (COST A32) entre 2006 et 2010.
La valeur ajoutée du site Manuscrits de Stendhal réside dans la mise en regard des images des manuscrits et de leur transcription validée scientifiquement. Les équipes de recherche s’emploient également à rééditer sous forme électronique et imprimée les Journaux de l’écrivain. Le tome 1 des Journaux et papiers (1797-1804) a été publié aux ELLUG en 2013 (C. Meynard, H. de Jacquelot et M.-R. Corredor éds), les tomes 2 et 3 sont en cours de préparation. Une version numérique (format e-pub) du tome 1 avec un apparat critique allégé et un double index (chronologique et thématique) a été réalisée en 2017 et mise à disposition sur le site Manuscrits de Stendhal.
En 2018-2019, le séminaire « Manuscrits de Stendhal et édition numérique » se réunit deux fois par an (décembre et juin) pour aborder les problèmes d’édition électronique et imprimée des textes de Stendhal à partir de l’analyse des manuscrits du fonds conservé à la bibliothèque municipale de Grenoble.